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Interview Thibault Badin : Concilier RH et performance, le rôle stratégique du contrôle de gestion sociale

Dans un contexte où les directions financières sont de plus en plus sollicitées sur des enjeux humains – attractivité, fidélisation, climat social, pilotage des effectifs – le contrôle de gestion sociale occupe une place stratégique à la croisée des chemins entre la finance et les ressources humaines (RH). Encore méconnu ou cantonné à la production de reportings RH dans certaines organisations, ce métier évolue rapidement pour devenir un véritable levier d’aide à la décision, au service de la performance globale.

Pour mieux comprendre ce rôle, ses évolutions et ses apports concrets en mission, nous avons échangé avec Thibault Badin, Manager de transition spécialisé en contrôle de gestion sociale. Fort de ses expériences en transformation RH, dialogue social et pilotage de la masse salariale, il nous livre ici sa vision d’un métier en pleine mutation.

On a longtemps perçu le contrôle de gestion sociale comme un outil de reporting RH. En quoi son rôle dépasse-t-il aujourd’hui cette mission traditionnelle ?

Historiquement, le contrôle de gestion sociale consistait surtout à produire des tableaux de bord et des indicateurs pour les directions RH et financières, afin de suivre l’évolution des effectifs. Mais aujourd’hui, avec une économie de plus en plus tournée vers les services, la masse salariale représente une part importante du chiffre d’affaires. Or, les contrôleurs de gestion traditionnels manquent souvent de visibilité sur la paie et les données sociales, qui relèvent d’un domaine très spécifique. Le contrôle de gestion sociale prend alors le relais sur ces sujets, en apportant aussi un travail de vulgarisation essentiel sur la gestion de la paie et les mécanismes de rémunération.

Le contrôle de gestion sociale est au croisement de la finance et des RH. Comment facilite-t-il le dialogue entre ces deux fonctions parfois éloignées ?

Il joue un rôle de passerelle, en mettant tout le monde au même niveau d’information grâce à un travail de traduction entre langage RH et langage financier. Dans les grands groupes, les DRH ont souvent une appétence pour le droit social, mais moins pour la gestion financière. Le contrôle de gestion sociale vient donc équilibrer les échanges en apportant cette double lecture. On observe d’ailleurs une évolution dans les relations : auparavant, le DRH adaptait ses décisions aux données fournies par le DAF. Aujourd’hui, c’est aussi le DAF qui se repose sur les analyses du DRH. Ce rééquilibrage contribue à renforcer la coopération entre les deux fonctions.

Qu’est-ce qu’un DAF attend d’un bon contrôle de gestion sociale aujourd’hui ? Et un DRH ?

Les deux attendent les mêmes choses : de la clarté et de la visibilité. Ils veulent comprendre les impacts de leurs choix sur la masse salariale, disposer d’une lecture précise de sa structure et de son évolution, et pouvoir ajuster leur stratégie en conséquence. La gestion de la paie évolue constamment avec les changements règlementaires – les règles sur les avantages en nature ont par exemple été modifiées récemment – et le contrôleur de gestion sociale doit rester en alerte pour intégrer ces évolutions et en évaluer les impacts.

Quels sont, selon toi, les indicateurs clés qui permettent de piloter efficacement la performance humaine d’une organisation ?

Voici les indicateurs fondamentaux à suivre :

- Le pourcentage de la masse salariale sur le chiffre d’affaires

- Le taux d’absentéisme

- Le taux de turnover (ou taux de mouvement)

- Le taux d’accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP)

- Le taux de fidélisation des salariés, mesuré à travers l’ancienneté ou la mobilité

Avec ces cinq indicateurs, on dispose d’une bonne vue d’ensemble de la santé sociale d’une organisation. On peut bien sûr les adapter selon les secteurs. Dans certains secteurs comme la santé ou le commerce, on suit aussi la masse salariale rapportée au nombre de patients ou de clients. Cela permet d’évaluer si les équipes sont dimensionnées correctement par rapport à l’activité réelle — ni en sous-effectif, ni en sureffectif — et d’assurer un bon niveau de service tout en maîtrisant les coûts.

Comment ces indicateurs peuvent-ils être intégrés dans une stratégie globale de performance ?

Ils doivent être intégrés comme des indicateurs de pilotage à part entière. Quand une entreprise consacre 60 % de son chiffre d’affaires à la masse salariale, ignorer ces données revient à passer à côté d’une grande partie de sa gestion. Il faut replacer la masse salariale au cœur de la stratégie, alors qu’elle a trop longtemps été considérée comme un simple poste de charges parmi d’autres.

Dans un contexte de transformation rapide (digitalisation, nouvelles attentes des collaborateurs, tensions sur le recrutement...), comment le CGS peut-il accompagner les directions ?

Dans un contexte de transformation rapide, le contrôle de gestion sociale peut jouer un rôle d’interface stratégique pour accompagner les directions sur plusieurs fronts. D’un côté, il permet d’adapter les postes de travail en identifiant les tâches répétitives à automatiser grâce aux outils digitaux (reporting, extraction de données...), ce qui rend les missions plus attractives et limite la démotivation. De l’autre, il contribue à répondre aux attentes des collaborateurs en matière de sens, de charge de travail et d’évolution professionnelle, en fournissant des données objectives qui aident à construire des politiques RH plus justes et plus claires. Enfin, dans un contexte de tensions sur le recrutement, il aide à anticiper les besoins en effectifs et à identifier les zones de risque, pour mieux cibler les efforts de fidélisation ou de formation.

Peux-tu nous partager une mission ou un cas où ton intervention en contrôle de gestion sociale a permis de générer un impact concret sur la performance RH ou financière ?

Un exemple marquant : l’automatisation des imports de simulations budgétaires dans le logiciel de gestion financière. Avant, cette tâche était manuelle, chronophage et source d’erreurs. Grâce à l’automatisation, les données sont désormais transférées d’un point A à un point B sans intervention humaine. Résultat : un gain de temps, une fiabilité accrue, et une réduction des frustrations liées aux erreurs humaines. Les équipes peuvent se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée. 

En tant que manager de transition, quel regard particulier apportes-tu à ces problématiques d’alignement RH/finance ?

Le fait d’être extérieur à l’organisation permet d’adopter un regard plus sincère et plus objectif. Il n’y a pas d’enjeux politiques ou d’image à préserver : on peut se concentrer sur l’analyse et l’efficacité. Cette posture facilite le dialogue entre RH et finance, surtout dans un contexte où le contrôleur de gestion sociale peut vite se retrouver « entre le marteau et l’enclume ». Il faut à la fois faire comprendre aux dirigeants que la masse salariale est un investissement stratégique, et expliquer aux équipes que les décisions RH doivent aussi s’aligner sur la réalité économique.

Conclusion

À travers cette interview, Thibault Badin met en lumière le rôle central – et encore trop souvent sous-estimé – du contrôle de gestion sociale dans la performance des organisations. À la croisée de la finance et des ressources humaines, cette fonction apporte les clés de lecture nécessaires pour piloter, anticiper, ajuster. Dans un contexte de mutation rapide des attentes, des outils et des modèles d’organisation, elle s’impose comme un levier de dialogue, d’alignement stratégique et de maîtrise des coûts. En bref : un véritable atout pour les directions qui souhaitent concilier performance économique et qualité de vie au travail.

Cet article vous est proposé par Qwincy, leader français du renfort opérationnel et du management de transition au service des Directions Financières et Stratégiques des entreprises. Vous recherchez ou êtes un expert des métiers de la finance et de la comptabilité freelance ? Faites appel aux experts Qwincy ou rejoignez la communauté de consultants indépendants.

 

 

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Marie dupont

Vice-président chargé du développement économique à la communauté d'agglomération de Cambrai

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