Errol COHEN est un avocat, associé au cabinet LE PLAY et praticien associé de Mines ParisTech. Il a participé aux travaux de recherches de création de la société à mission. Avocat d’affaires, il a intégré en 2011 le groupe de chercheurs de l’école des Mines ParisTech au sein du Collège des Bernardins sur les travaux de création de la société à mission de la Loi PACTE du 22 mai 2019.
Selon vous, qu’est-ce qu’une société à mission ?
Il n’est en rien exagéré de dire que la société à mission est la nouvelle définition de l’entreprise de demain, elle a été promulguée par la loi pacte du 22 mai 2019 mais plus qu’un texte de loi elle impose une nouvelle grille de lecture sur l’avenir du monde des affaires.
La Loi pacte propose ce que les députés appellent une fusée à trois étages :
1. Le premier avec l’article 1833 du code civil qui impose aux entreprises une gestion de son activité qui prend en considération les normes et enjeux environnementaux et sociaux.
2. Le second est l’article 1835 du code civil qui introduit la « raison d’être » dans les statuts des entreprises. Son rôle est de guider la stratégie des entreprises et de définir précisément les moyens que l’entreprise va mettre à disposition de l’affirmation de sa raison d’être.
3. Enfin, l’Article L210-10 du code de commerce qui créé la société à mission à proprement parler. C’est-à-dire, une entreprise qui se fixe des objectifs environnementaux et sociaux qui vont être pilotée selon sa taille, par un référent de mission ou un comité de mission. La société à mission est alors auditée par un organisme tiers indépendant (OTI) toutes les 2 années.
Quel est l’intérêt pour une entreprise de devenir une société à mission ?
La définition du mot entreprise est encore absente du droit français alors qu’il apparait continuellement dans le monde des affaires, celui de la gestion et du droit.
Outre le fait d’offrir une nouvelle définition, la société à mission donne une plus grande cohérence et une lisibilité plus claire aux entreprises. C’est aussi le moyen de régler leurs injonctions contradictoires et de s’implanter dans de nouveaux marchés grâce à leurs engagements.
Il est évident aussi que les sociétés à mission se reconnaissent entre elles pour travailler ensemble (ex : la MAIF qui achète la CAMIF).
Être une société à mission permet d’installer “la confiance” tant recherchée dans le monde des affaires, peu importe les changements de l’entreprise (changement de Président, de managers, prise de participation ou de contrôle…).
Est-ce compatible avec la recherche de profits ?
Bien entendu, grâce à sa mission sociale et/ou environnementale une entreprise peut faire mieux et même plus d’argent tout en respectant ses engagements envers ses parties prenantes.
Est-ce une véritable tendance de fond ou plutôt un argument marketing ?
C’est un travail sérieux et nécessaire pour les entreprises. Cependant il faut miser sur un bon conseil pour obtenir un résultat où les parties prenantes ont été interrogées valablement car souvent ils limitent celles-ci à la simple responsabilité sociale des entreprises (RSE) et font un travail minimaliste qui ne correspond ni au texte ni à l’esprit de l’art . Mais pour rebondir sur votre question il est vrai que M. Franck RIBOUD le président du conseil d’administration de DANONE (qui est une société à mission) a déclaré récemment qu’adopter le statut de société à mission n’est rien de plus qu’une opération de communication : comme on peut l’imaginer le monde se sépare en deux !
Quelle est donc la différence entre la RSE et société à mission ?
La RSE est extra financière, c’est une cartographie des risques et enjeux sociétaux, environnementaux, éthiques etc… des entreprises. La société à mission s’inscrit dans le business model de l’entreprise, ce sont des engagements.
Où en est-on en France aujourd’hui sur le sujet ?
Le site www.societeamission.com dont nous sommes les partenaires recense toutes les données concernant ce sujet. La tendance est forte en France puisque l’on recense actuellement, 920 sociétés à mission. La France fait figure de pionnière dans ce domaine.
Qu’en est-il en Europe ?
L’Europe et les grandes puissances mondiales sont malheureusement à la traine, elles ne se sentent pas touchées directement par ce processus. Et se focalise davantage sur cette idée de « sustainability ».
Cependant certains pays européens et mondiaux commencent à s’y intéresser : L’Espagne tend vers un système équivalent à la France, l’Italie et le Luxembourg ont déjà mis en place leurs systèmes de société à mission, il en est de même en Afrique avec l’Algérie et le Maroc. En ce qui concerne le continent Américain, le Paraguay et le Nicaragua ont mis en place des procédés similaires à celui de la France concernant les sociétés à mission.
Qu’est-ce qui vous a personnellement poussé vers cette expertise ?
J’ai participé à la création de la société à mission en 2011, j’ai senti que nous étions à la croisée des chemins et je voulais contribuer à ce changement.
Trois conseils pour les entreprises qui veulent se lancer dans ce processus ?
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Il faut d’abord connaitre son entreprise.
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Interroger les parties prenantes.
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Et définir avec une certaine précision ses engagements sous forme de principes, moyens et objectifs.
Le mot de la fin ?
Il y a aujourd’hui 920 sociétés à mission et donc bientôt 1000. Bientôt 100 000. Bientôt 1 million. Tout ceci va aller de pair avec des nouvelles normes et un nouveau vocabulaire tant dans le monde du chiffre que du droit. Tout est actuellement en construction. Il vaut donc “Mieux prendre le changement par la main avant qu’il nous prenne par la gorge”. Winston Churchill
En savoir plus sur Errol Cohen
Dès 2014, il a participé à plusieurs expérimentations concernant l’entreprise à mission bien avant le projet de loi PACTE, notamment en travaillant à la rédaction des statuts et à l’analyse de leurs effets. Il a aussi accompagné le processus d’élaboration de ladite loi PACTE à l’appui des députés et du rapport Sénard NOTAT.
Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, le cabinet Le PLAY accompagne plusieurs groupes de sociétés sur le chemin de la société à mission et offre une approche unique et globale, de rédaction de raison d’être et de mission, de gouvernance d’entreprise et de stratégie. Le Cabinet est le partenaire du site www.societeamission.com le seul portail des raisons d’être et des sociétés à mission.
Errol COHEN intervient fréquemment en qualité d’expert sur ses sujets, il est par ailleurs l’auteur du livre « La société à Mission : enjeux pratiques de l’entreprise réinventée, Ed. Hermann, juin 2019 ainsi que praticien associé de la chaire théorie de l’entreprise Mines ParisTech et membre de la communauté des entreprises à mission.
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Marie dupont
Vice-président chargé du développement économique à la communauté d'agglomération de Cambrai
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