L'actualité du monde de la finance

Révolution digitale : le nouveau visage des outils de consolidation

Rédigé par Fiona NGANDU | 17 oct. 2024 09:00:00

À l’ère de la transformation numérique, la consolidation financière vit une véritable révolution. Les méthodes traditionnelles cèdent la place à des outils innovants qui permettent aux entreprises de relever les défis complexes de notre époque avec plus d’agilité et d’efficacité. Jean-Marie Philips, expert renommé en consolidation financière, décrypte pour nous cette métamorphose. De l'adoption des nouveaux logiciels à l'optimisation des délais de clôture, il nous dévoile les enjeux majeurs de cette transition digitale pour les directions financières et leur avenir.

1. Jean-Marie, la digitalisation transforme aujourd'hui l'ensemble des fonctions financières. En quoi les départements consolidation des groupes sont-ils impactés par cette transformation ?

Merci de me donner la parole et de me permettre d’apporter mon expertise ; La digitalisation va vraiment avoir en effet un impact significatif sur la consolidation pour notamment automatiser les processus puisque la digitalisation va permettre "d'optimatiser" de nombreuses tâches récurrentes. Elle va aussi nous permettre d'avoir un gain en temps et en efficacité afin de transférer certaines tâches dites récurrentes vers des tâches avec plus de valeur ajoutée et notamment permettre plus d'analyse d'informations et moins de temps passé sur la collecte d'informations. Les autres éléments de la digitalisation sont aussi l’accessibilité et la collaboration en temps réel qui va réduire les délais et permettre à travers des outils plus collaboratifs de pouvoir construire des reportings plus rapidement. On pourrait aller plus loin et détailler encore plus en évoquant l'adaptation à la réglementation avec la mise à jour automatique de toutes les nouvelles règles comptables.

2. Plusieurs logiciels de consolidation dominent le marché dans le monde ? Quels sont-ils ? 

Alors jusqu'à peu, vous aviez deux grands outils qui se partageaient le marché français. Il y avait BFC de SAP, et vous aviez HFM d’Oracle. Aujourd'hui, les deux vont arrêter en 2030, donc ils ne seront plus maintenus. Vous avez donc de nouveaux acteurs entrants, ce qui est plutôt bien, puisque ça redynamise un petit peu le marché et ça redistribue les cartes. En termes d’outils, certains vont être plus adaptés à des ETI, et d'autres plus à des grands groupes. Il va falloir déterminer à quel endroit on met le curseur. Il faut aussi intégrer la notion de, est-ce qu'on ne fait plus que de la consolidation statutaire, ou est-ce qu’on souhaite faire de la consolidation de gestion, avec mise en place de budgets, de rolling forecasts et forecasts. Donc en fait, des outils, il y en a de plus en plus et je peux vous en citer : il y a, si on parle du plus « gros », Onestream, après vous avez Tagetik, Lucanet, vous avez aussi l'EPM d'Amelkis qui est aussi très bien, vous avez Fluence qui est un petit nouveau qui arrive aussi sur le marché, donc on s'aperçoit que de deux gros logiciels, qui faisaient vraiment la part belle de l'ensemble du marché français, aujourd'hui vous vous retrouvez avec cinq, six progiciels disponibles.

Si on parle par exemple de Tagetik, on va être vraiment sur une plateforme unifiée où en fait, on a la possibilité de faire l'élaboration, faire la partie reporting de gestion, reporting consolidé, la partie BI, et vous avez vraiment une plateforme unifiée. Vous avez l'EPM d'Amelkis qui lui aussi monte énormément en puissance sur la partie élaboration budgétaire, mais qui est plutôt aujourd'hui, on va dire, focussé sur de la consolidation statutaire. Enfin, si vous voulez faire de la consolidation statutaire vraiment clé en main, vous avez un paramétrage, un moteur qui tourne, qui est rodé, qui est reconnu, c'est pour ça que vous avez pas mal de cabinets, notamment des big 4, qui utilisent aussi ce progiciel puis après vous avez des mastodontes comme Onestream qui est très performant mais qui va plutôt s'orienter vers des grands groupes.

3. De nombreux groupes choisissent de nouvelles solutions, comment expliquez-vous cette tendance ?

Ils anticipent dès aujourd'hui car il va y avoir un goulot d'étranglement si tout le monde s'y met en 2028 ou 2029, il va y avoir une rareté du consultant sur le marché donc il vaut mieux anticiper pour avoir des coûts réduits. Je pense que cela va être aussi important, qui dit rareté dit une augmentation des tarifs de la part des cabinets de consulting et que ce soit en intégration ou en AMOA, donc il vaut mieux anticiper. Il y a actuellement des opportunités sur le marché qui peuvent être assez sympathique. On peut aussi parler de Board qui est un super outil d'élaboration budgétaire et qui est en train de mettre à jour son moteur de consolidation. Ça peut être un pari assez intéressant de participer à une aventure pour un groupe pour développer et participer au rodage et à la certification du moteur de consolidation.

4. Quelles difficultés présente le déploiement d’un outil de consolidation ? Faut-il être accompagné par un intégrateur ? Un ou plusieurs AMOA et/ou consolidateur vous semble-t-il nécessaire ?

Il est essentiel d'être accompagné par un intégrateur lors du déploiement d'un outil de consolidation. Le paramétrage de l'outil doit être réalisé par des experts, et il est crucial que l'intégrateur puisse transmettre ses connaissances afin que l'entreprise ou le groupe ait la maîtrise, au moins de la maintenance applicative de niveau 1 ou 2. Mais le paramétrage de base doit absolument être fait par le spécialiste de l'outil. Vous mettez le doigt sur l'importance de l'AMOA puisqu'en fait aujourd'hui beaucoup de groupes ont l'impression de pouvoir s'en passer, ce que je ne recommande pas. Les cabinets mettent à disposition des groupes, des experts qui permettent de challenger les processus internes et de proposer d'autres solutions en ayant un autre angle de vue donc c'est vraiment la plus-value que peut apporter l'AMOA sur un projet. Je finirai par vous dire aussi que l'AMOA est très important sur la partie choix d'outils parce qu'il permet de rédiger un cahier des charges, de le structurer et de participer à un appel d'offres et vraiment je le répète de challenger les différents outils par rapport aux besoins du client donc il est un vrai support.

5. En matière de changement de logiciel, est-ce qu'il y a des passerelles pour migrer des données historiques ou faut-il tout ressaisir dans les nouveaux outils ?

Oui un certain nombre de passerelles existent, on peut créer des interfaces pour récupérer les données mais vous ne pourrez pas échapper à une reprise des données historique avec un cadrage des périodes que vous allez reprendre. Car les systèmes ne fonctionnent pas forcément de la même manière, on peut reprendre des données liasses, on peut reprendre des écritures (et encore il y a certaines écritures qui ne vont être reprises que partiellement ; certaines écritures vont être travaillées à partir d'états qui sont directement dans des liasses) mais ce n’est jamais à 100%, ce n'est pas du "press button". 

6. En parlant d'amélioration de la performance, ces nouvelles solutions  permettent-elles d'aller plus vite  en matière de clôture des comptes ? Avez-vous remarqué une amélioration à travers vos expériences ?  

Oui, puisqu'en fait la partie intelligence artificielle permet quand même d'automatiser et de sécuriser l'information en amont ; on peut facilement mettre des capteurs qui vont aller prendre l'information directement dans les ERP et donc à terme sortir une consolidation quotidienne. C'est-à-dire qu'on pourrait récupérer l'information tous les jours et sortir des états d'analyse, cash-flow, un bilan grâce à des capteurs qui sont en automatique, c'est un peu ce que cherche à faire aujourd'hui SAP avec S4/HANA qui met son outil de consolidation dans S4/HANA et qui permet de récupérer les données de façon automatique et d'avoir une vision de consolidation de gestion. Cela permet de faire de la prédiction et de la modélisation par rapport à l'information du passé et l'information que l'on récupérerait chaque jour. La puissance de prédiction serait décuplée grâce à des algorithmes plus sûrs et des forecast plus fiables.

7. Est-ce que dans les fonctionnalités proposées par les nouveaux outils, l'aspect CSRD et la remontée des informations extra-financières sont intégrés ?

De plus en plus, oui. Vous avez Tagetik qui a en effet tout un module CSRD, c'est pour ça que je parlais de plateforme unique et unifiée, vous avez OneStream aussi qui a développé un certain nombre d'éléments et on pense qu'à terme SAP aussi va aussi développer des choses.

8. Vous qui connaissez une grande partie des outils du marché pour les avoir utilisés ou pour les avoir déployés, que recommanderiez-vous à une ETI ?

Je recommanderai deux outils principalement : Tagetik et Amelkis. Pour illustrer mes propos je peux vous présenter deux cas concrets : un groupe côté qui s'appelle GACM situé dans les Sables d'Olonne, qui fait 100 millions de chiffres d'affaires. Le groupe a choisi Tagetik parce qu'il voulait une plateforme unifiée ; il souhaitait sortir une BI toutes les semaines avec des KPI et donc la consolidation n'était que secondaire par rapport à son besoin de reporting journalier ou hebdomadaire. De l'autre côté, vous avez des groupes tels que Intersport, Tug ou Smeg qui sont des ETI aux alentours de 300 millions de chiffres d'affaires qui ont choisi l'EPM d'Amelkis car ces groupes ont plutôt besoin d'un reporting consolidé structuré et la partie BI ou la partie élaboration budgétaire est secondaire voilà pourquoi ils ont choisi Amelkis, en très peu de jours ils ont pu implémenter le système et sortent une consolidation régulière.

9. Quelle est la durée d'implémentation d'un nouveau logiciel en ETI (de la sélection de l'outil à l'implémentation finale) ?

Cela dépend vraiment de la taille effective du groupe, du nombre de filiales etc, mais je dirai en moyenne une durée de 6 à 8 mois environ. En incluant, la formation des utilisateurs et puis l'assistance aux premières exploitations. 

10. Les outils changent, les temps de clôture s’accélèrent, les normes comptables évoluent et se complexifient. Dans ce contexte, à quoi ressemblera, à votre avis, le consolideur de demain ?

La fonction va beaucoup évoluer et on ne sera plus vraiment sur des tâches récurrentes de contrôle mais on va plutôt être sur de la projection et vraiment d'apporter une valeur ajoutée sur l'optimisation et sur de la visualisation à moyen et long terme. C'est surtout vers ça en fait que je pense qu'on va pouvoir s'orienter et grâce à l'IA, on va être beaucoup plus efficace c'est à dire qu'aujourd'hui le consolideur que j'ai été et que je suis encore, passe énormément de temps sur la réconciliation d'intragroupe, sur le cadrage des données de liasses. Qui n'a pas entendu parler des problématiques d'intragroupe dans ces process, des tâches qui ne sont pas toujours passionnantes. Selon moi toutes ces tâches vont quasiment disparaître puisqu'en fait grâce à l'intelligence artificielle la partie réconciliation, la partie vérification des contrôles, va se faire de façon très automatisée. Donc de belles perspectives pour les consolideurs de demain.

Cet article vous est proposé par Qwincy, plateforme de mise en relation entre entreprises et experts indépendants freelances spécialisés dans l'univers de la finance, de la comptabilité. Besoin d'une expertise en freelance ? Faites appel aux experts Qwincy ou rejoignez la communauté de consultants indépendants.